Test de Sayonara Wild Hearts : l'OVNI tender

Sorti il y a déjà presque un an sur toutes les plates-formes existantes, y compris les iPhones, Sayonara Wild Hearts est un jeu du studio indépendant Suédois Simogo, édité par le très sélectif label Annapurna Interactive. Lancé sur une moto folle dans un mélange de jeu d'arcade, de rythme, de shoot, et de grand n'importe quoi, voici une expérience qui se descend d'une traite avant de nous laisser bouche bée.
S'il est vrai qu'au premier regard on lui accorderait volontiers des accents de jeu mobile, Sayonara Wild Hearts casse allègrement les préjugés et démontre brillamment qu'il s'avère exceptionnel a bien des égards.

Sayonara Wild Hearts

Arty Sticks

Avec son look low poly et ses tons néons tout en aplats, Sayonara Wild Hearts ne laissera personne indifférent. Sous cette apparente couche de simplicité, on découvre pourtant une direction artistique non-seulement douce et créative, mais surtout redoutablement efficace pour mettre en scène des ambiances en leur apportant de l'originalité. Le jeu est beau et le soin du détail apporté à l'ensemble est tout simplement épatant. Chaque aspect est remarquablement peaufiné ; des transitions à l'interface, rien n'est jamais surchargé, l'équilibre est parfait. Ce sera d'ailleurs une constante tout au long de ce test : tout dans ce jeu repose sur la simplicité bien exploitée plutôt que l'accumulation simpliste. C'est fait avec énormément de talent et l'adage "Less is more" a rarement été aussi bien mis en pratique.

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L'histoire, qui mise aussi sur un minimalisme onirique, est pourtant très profonde. Ce conte bienveillant est conçu de façon tellement intelligente que si ses grandes lignes universelles pourront permettre à tous de se projeter, sa mise en œuvre permettra à chacun d'en faire une expérience quasiment intimiste. Rien ne laissait présager qu'un jeu d'arcade, rythmé et punchy nous emmène sur les routes de l'introspection. Pourtant, Sayonara Wild Hearts avec son vrai et dur cœur de gamer, est probablement une production qui touche du doigt ce que l'art peut-être dans le Jeu Vidéo.

Entendons-nous bien : on ne parle pas d'art façon AAAs aux velléités cinématographiques photoréalistes qui veulent nous faire tirer notre petite larme sur fond de violons Hollywoodiens parce que le drama est très triste. Non, là on parle d'une création qui arrive à fusionner de façon parfaite les grandes composantes de ce qu'est un jeu vidéo : les visuels, le level design, l'interactivité, la musique et la narration. Se projeter dans Sayonara Wild Hearts, c'est comme passer devant un tableau et en faire une porte vers une histoire, des émotions et de la réflexion.

D'ailleurs, c'est ainsi que pourrait commencer la partie, même si, à défaut d'être projetée, l'héroïne se retrouve happée de façon renversante sur une piste de skate façon grand huit où, guidée par une petite fée, elle collecte des cœurs en traversant le niveau. L'ambiance est zen, l'interface épurée se compose d'un unique gros score qui nous rappelle qu'on est là pour jouer, les couleurs néon sont douces et les quelques notes de Clair de Lune sont rassurantes, tandis que notre skate prend de plus en plus de vitesse. On est bien, en confiance, et si le débutant pourra se laisser porter et profiter d'un beau voyage pendant une heure, le pro gamer de son côté scorera facilement les cœurs de ce tutorial pour obtenir le Gold Rank. Quoi que...

Clair de Lune
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À peine la fée attrapée, nous voilà transformée telle une magical girl et projetée dans le vide sans fin d'un cœur creux, surfant sur une arcane de tarot mystique. Vous l'avez compris : Sayonara Wild Hearts nous parle des affres d'un cœur en peine, mais, et c'est là tout son génie, il le fait comme un vrai jeu vidéo d'arcade, plein gaz sur une moto à grand coups de katanas.

Nous serons portés tout au long du voyage au cœur de ce fameux "pop album video game" par la voix de Linnea Olson sur une musique électro-pop originale de Daniel Olsén and Jonathan Eng, qui, sur ses premières notes, a de furieux accents de Muse. Ne vous y trompez pas, il n'y a aucun plagiat et l'ensemble de la bande son est à saluer pour sa qualité tout comme pour sa capacité à nous faire de petits clins d'œil qui réchauffent notre petit cœur. Parce que oui, nous sommes face à un jeu qui fait du bien et qui le fait bien.

D'ailleurs, des références, il n'y en a pas que dans la musique et on en verra certaines très appuyées comme d'autres toutes en finesse, qui témoignent de tout l'amour des créateurs pour le Jeu Vidéo. Je m'arrête là, il n'est pas question de vous spoiler l'expérience au-delà du tutorial, mais Sayonara Wild Hearts vous fera vivre des moments vidéoludiques incroyablement barrés et en même temps terriblement pertinents. À ce sujet, si le jeu est un excellent candidat au streaming - car c'est aussi plaisant de voir un run parfait que de regarder quelqu'un qui s'entraîne - il faut avant tout vivre le jeu pour soi une première fois.
J'insiste sur ce point : le jeu coûte seulement 10€, il se descend d'une seule traite en une heure et propose une expérience, certes classique, mais surtout unique, donc ne vous gâchez pas le plaisir : jouez, vivez, avant de regarder!

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Collection d'Exs Haletants

Et oui, parce que l'expérience du Jeu Vidéo, c'est là qu'elle commence, pad en main! Le gameplay est extrêmement simple et du coup très abordable y compris pour les novices - un fait rare et donc à souligner surtout pour un jeu en 3D. On déplace le personnage dans deux directions (parfois quatre) et l'unique bouton sert principalement à valider des QTEs timés comme dans un rythme game. Pas besoin de gérer l'accélération ou le freinage, le jeu se charge de vous propulser à toute berzingue sur tous les terrains. Accessible et prévenant, sa simplicité permettra à tous de traverser l'histoire, mais seul les plus exigeants sauront braver tous les défis proposés.

Malgré la simplicité des contrôles et leur invariabilité, le gameplay est riche, car les équipes de Simogo ont apporté du renouvellement tout au long du jeu en actionnant d'autres curseurs. C'est d'ailleurs l'une des forces du titre, prendre un gameplay simple, adapté pour le jeu mobile, et utiliser à la fois le level design et la mise en scène du niveau pour diversifier au maximum l'expérience.

Au cours de la partie, nos moyens de déplacement et d'interaction avec les niveaux changent, faisant évoluer notre sensation de vitesse, notre point de vue, nos objectifs et du coup le gameplay. Ensuite, la composition et la structure des niveaux évolue elle aussi, proposant de nombreuses mécaniques de jeu allant de la simple évolution à la transformation radicale, pourtant toutes desservies par les mêmes contrôles. De plus, les mécaniques n'étant jamais réutilisées, il n'y a pas d'accumulation ni de complexification excessive, simplement de la diversité et du plaisir jamais redondant.

L'ambiance est également un facteur important. Chaque acte du jeu tourne autour d'une thématique narrative qui est transposée dans le niveau et dans son gameplay. Ce dernier se renouvelle donc et progresse dans chaque acte et dans chaque scène, en symbiose avec l'ambiance du moment, permettant toujours des variations, structurelles, visuelles et musicales, souvent surprenantes, parfois inattendues, mais toujours plaisantes.

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Dernier point, mais pas des moindres, la musique, qui conditionne toute la mise en scène du niveau. C'est dingue, mais chaque niveau est entièrement mis en scène de A à Z, exactement comme un clip. Les éléments de compréhension des mécaniques, situations ou objectifs sont ainsi non-seulement introduits et expliqués par le son et l'image, mais font également avancer la narration. Ces transitions particulièrement bien travaillées nous permettent parfois de souffler ou au contraire nous remettent le nez dans le guidon, mais font toujours leur effet et on ne se lasse pas de les trouver géniales, parties après parties.

Mieux qu'un clip, Sayonara Wild Hearts est un jeu, donc un media interactif. La musique est certes calée sur les images, mais elle est surtout fusionnelle du niveau. Ce n'est pas une simple bande-son qui joue en arrière-plan, tout l'univers est calé dessus avec une précision de métronome, tout en permettant l'interaction. C'est d'ailleurs pour ça que la mise en scène marche aussi bien, parce que chaque transition et chaque passage sont en symbiose avec un moment fort de la bande son. Le rythme, les couplets, les ponts, les refrains, les respirations, les silences, les envolées, composent la structure du level design et se traduisent à l'écran comme dans le gameplay. L'action monte en puissance dans les couplets, explose dans les refrains, c'est du pur génie.

Un petit défaut du jeu, il est parfois difficile de lire l'action entre la vitesse et ce qui se passe à l'écran. Heureusement, la musique est tellement fusionnelle de l'action qu'on peut s'y raccrocher quand nos yeux, nos réflexes ou notre compréhension ne suffisent plus. Ce sera d'ailleurs nécessaire pour arriver à timer parfaitement certains passages et récupérer les objets permettant de faire des high scores. Il est même parfois plus naturel de se caler sur le son que sur l'écran. Et là encore je ne parle pas de QTEs, c'est même l'inverse : certains passages sont de vrais jeux de rythme sans QTE.

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Mise en scène

Le jeu est généreux avec le joueur. Forcément, quand on fonce à toute berzingue entre des obstacles qui deviennent de plus en plus rapides et de plus en plus mortels on a tendance à s'encastrer dans un mur. Ce n'est pas un problème, on peut reprendre à l'un des nombreux checkpoints sans aucune pénalité - et il sera même possible de zapper un passage trop ardu.
En fait, c'est même plaisant de reprendre après un crash parce que Sayonara Wild Hearts a tellement bien ajusté son circuit que les échecs nous amènent à un stade de plaisir : celui de la répétition acoustique et donc de l'assimilation musicale.

Il faudra en quelques sorte bosser chaque piste comme on bosse une partoche, apprendre ses principes, son chemin, ses difficultés, apprendre à surmonter ses hoquets et peaufiner ses passages ardus pour en tirer le maximum. Il faudra s'accrocher pour obtenir le gold rank sur tous les niveaux ou retrouver toutes les boxes plus ou moins cachées. Heureusement, Sayonara Wild Hearts est tellement indulgent qu'il nous permet même de scorer au-delà de la mort sans aucune pénalité. À moins bien sûr de tenter certains challenges des plus extrêmes - ce qu'on recommandera d'ailleurs : si le premier run est vraiment très plaisant, les suivants sont à chaque fois de plus en plus délicieux.

Mise en scène cool

La course folle dans laquelle nous entraîne Sayonara Wild Hearts est une réussite sur tous les plans : le gameplay, le game design, le level design, la bande son, la direction artistique, la réalisation, l'ambiance, la mise en scène, la narration. Si tout est remarquable, rien pris individuellement n'est pourtant vraiment exceptionnel. Cependant, la proposition du studio Simogo va encore plus loin en fusionnant à la perfection tous ces aspects d'un jeu. Sayonara Wild Hearts est un travail d'orfèvre maitrisé à la perfection.

L'ensemble est cohérent, profond, mais avant tout fun, accessible, pour tous les niveaux et tous les types de joueurs. Tous les fondamentaux du jeu vidéo sont brillamment mis en avant, exploités et respectés. Le fait qu'un jeu résolument arcade, qui se joue à fond la caisse, arrive en plus à nous donner des émotions et à nous faire réfléchir n'amène qu'à une seule conclusion possible : Sayonara Wild Hearts est une véritable Œuvre d'Art.

Foncez ! (et dans le jeu aussi, foncez !)

Test réalisé sur PlayStation 4 par Oulanbator à partir d'une version fournie par le distributeur.

Source : Testé par Oulanbator sur PS4 sur une version fournie par l'éditeur

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